Tour mobile
Déplacements d'enfants
« …quelques couples légitimes abandonnaient leur enfant au tour avec un signe distinctif
(médaille, ruban de couleur…) ; la mère se présentait peu après comme nourrice,
récupérait son enfant et percevait les pensions trimestrielles. L’Administration décide
alors de placer les nourrissons non plus dans leur département d’origine mais dans des
départements limitrophes ; les enfants déjà installés dans leurs familles nourricières
seront ramenés à l’hospice et transportés, eux aussi, dans un autre département. La
circulaire fut d’abord appliquée à la lettre, certains parents retirèrent alors très vite leurs
enfants des hospices par peur de les perdre à jamais, mais les complications
administratives furent telles que la procédure sera abandonnée peu à peu.
Lamartine
dénoncera le caractère arbitraire et brutal de cette mesure : pour quelques abus facilement
réprimables individuellement, de nombreux enfants se voient condamnés à une vie
insécurisante engendrée par ces séparations successives.
Lamartine parlera même de
suicides d’enfants :
« Quoi ! N’est-ce pas une rigueur ?
Une peine ?
Un exil ?
Une barbarie ?
Ah !
demandez-le à votre propre cœur intimement interrogé, demandez-le à ces convois
presque funèbres de ces enfants expatriés que nous rencontrons par longues files sur nos
routes, le front pâle, les yeux mouillés, les visages mornes (…).
Demandez-le, j’ai été
vingt fois témoin moi-même de ces lamentables exécutions, demandez-le à ces enfants
que votre gendarmerie vient enlever de force à celle qui a été jusque-là sa mère, et qui se
cramponne à la porte de la chaumière dont on vient de l’arracher à jamais !
Demandez le
à ces pauvres mères indigentes qui courent de chez elle chez le maire, de chez le maire
à la préfecture, pour faire révoquer l’ordre inflexible (…)
. Demandez-le aux suicides
précoces d’enfants déplacés, qui, dans mon département même, ne pouvant supporter
l’angoisse de ces séparations, se sont précipités dans le puits de la maison ou dans l’étang du village »
Lamartine n’a pu inventer ces faits, car il aurait été aussitôt démenti.
Pour la première
fois, un témoignage fait apparaître l’existence de liens affectifs puissants entre les enfants
et les nourrices qui le élèvent.
Et il poursuit sa plaidoirie avec un sens de l’analyse et un
discernement remarquables.
« Que faites vous par le déplacement et l’échange forcé des enfants trouvés ?
Vous
endurcissez l’âme de l’enfant que vous promenez d’une famille à l’autre pour lui
apprendre bien qu’il n’en avait aucune (…).
Vous ravalez sa nature en lui montrant qu’il
n’est pour vous qu’un rebut de l’humanité, à qui on ne tient compte ni de ses affections,
ni de ses larmes, qu’on déporte d’un sol à un autre comme un vil bétail ! (…).
Vous lui
enseignez à ne s’attacher à rien,
à ne rien aimer ».
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