La logique de la protection
La loi du 24 juillet 1889 sur la protection judiciaire de l’enfance maltraitée sera une étape
essentielle. Avec elle va apparaître une autre catégorie : les enfants moralement
abandonnés.
Cette loi donnait la possibilité au tribunal de grande instance de prononcer
une déchéance de puissance paternelle, parfois même sur des enfants à naître.
Pour la
première fois, le législateur protège nettement l’enfant contre ses parents.
Le cheminement de la loi fût long, puisqu’il dura neuf ans. Il fut inauguré par une grande
enquête qui porta sur 43 départements.
Lorsque les débats s’engagent devant le Sénat, en
1883, le projet se heurte à l’opposition vigoureuse de la droite, qui redoute le
renforcement des pouvoirs d’une puissance étatique qui est alors laïque.
Le Sénateur de Gavardie dénonce un projet qui semble « ressusciter cette doctrine
païenne et jacobine que les enfants appartiennent à l’Etat avant d’appartenir à la
famille ».
« Pour la droite traditionnelle, la conclusion est simple : suspecter un
père, c’est les suspecter tous ; suspecter une famille, c’est les suspecter
toutes ; cela risque d’aboutir à la mort d’une famille, à la mort de toutes
les familles ; bref, à la mort de la Famille ».
Les Républicains répondent qu’ «il n’y a plus de Patria Potestas ».
Les devoirs du père
sont la condition de ses droits et son premier devoir consiste à élever l’enfant.
Au reste, les tribunaux seront là pour garantir les familles contre l’arbitraire.
Au-delà des
considérations théoriques, c’est surtout le sort qui sera fait à l’enfant qui inquiète
l’opposition.
Elle craint que le gouvernement ne veuille organiser une tutelle générale de
l’Etat sur les enfants, donc que l’État devienne Père universel, et confisque les enfants au
profit de l’Etat laïque et républicain.
Après son adoption par la majorité républicaine du Sénat, le projet attendra six ans pour
être définitivement voté par les Chambres.
Dans l’intervalle, le texte est remanié,
restreint ; les causes de déchéance sont limitées, les établissements privés de charité sont
introduits dans la tutelle ; l’État cesse d’être le « Père universel dont avaient si peur les
sénateurs de 1883.
Il se contentera de la surveillance des placements, par l’intermédiaire
de ses Préfets, qui pourront toujours en référer au Juge »
.
L’Assistance publique était adaptée à recevoir des enfants jeunes et elle avait développé
tout un dispositif de prise en charge matérielle et alimentaire.
Avec ces enfants, elle va
découvrir des problèmes nouveaux : ils sont plus âgés, plus perturbés, ils ont vécu des
situations difficiles et ils vont perturber le fonctionnement des services.
Le dispositif d’accueil prévu pour de très jeunes enfants placés dès que possible à la
campagne va se montrer inadapté à l’accueil de ces enfants.
C’est pour eux que
l’Assistance à l’enfance crée des écoles professionnelles, mais aussi les premiers
dispositifs d’observation.
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