mardi 5 mai 2015

Sommes-nous ce que nous croyons être ?


Le franquisme volait les enfants des « rouges »  pour les rééduquer.
 Par la suite, c’est devenu un trafic crapuleux, très rentable, dirigé par des réseaux mafieux jusque dans les années 90...
Somos quienes creemos ser ? » (« Sommes-nous ce que nous croyons être ? ») 
Cette question, les ­Espagnols sont de plus en plus nombreux à se la poser.
 Ma mère est-elle vraiment ma mère ?
 Mon frère aîné est-il vraiment mort ? 
Pourquoi je ne ­ressemble pas à mes parents ?
Un Barcelonais a eu le choc de sa vie. 
Agé de 41 ans, il a découvert que sa mère n’était pas sa mère biologique. 
Il avait été vendu, par un médecin de Saragosse, 200 000 pesetas, le prix en 1970 d’un petit appartement. C’est un ami d’enfance, Juan-Luis, qui lui a révélé ce que lui avait confié son propre père sur son lit de mort. Incrédule, Antonio Barroso n’a d’abord pas voulu le croire. 
Son acte de naissance, établi par l’hôpital, ne souffrait aucune contestation.
 Sa filiation semblait irréfutable, d’autant que sa vieille mère de 80 ans restait inflexible : « Tu es bien mon fils. » 
Le résultat de l’analyse ADN a pourtant démontré le contraire : Antonio n’avait aucun lien de sang avec sa mère. Il a fallu cette preuve pour qu’elle lui avoue la vérité.
 Abasourdi, il a porté plainte contre l’établissement hospitalier, mais a été débouté. 
Le tribunal a classé l’affaire pour prescription.
 Têtu, le Catalan n’en est pas resté là : il a fondé, en février 2010, l’Anadir, qui révélera l’ampleur réelle du trafic.
http://www.parismatch.com/Actu/International/Espagne-justice-pour-les-enfants-voles-156632

 Sur leur lit de mort ou par testament, des parents révèlent à leurs enfants les avoir achetés, et des religieuses confessent leur rôle dans cet immense réseau mafieux.
 C’est après avoir lu, dans le quotidien « El Pais », le témoignage bouleversant d’une dénommée Liberia Hernandez, qui cherchait en vain sa mère biologique, qu’une religieuse de 73 ans est sortie de son silence, avouant que la sœur supérieure de la maternité de Ténériffe (îles Canaries) s’était livrée à un trafic d’enfants tout au long des années 60, en accord avec les autorités de l’époque.
 Diffusée sur la chaîne de télévision privée Antena 3, la série documentaire en six ­épisodes « La fabrique des bébés » a révélé au grand public l’étendue des complicités : médecins, gynécologues, sages-femmes, curés, sœurs, policiers, etc. 

 De reportages chocs en émissions de télévision, de manifestations en procès, le public découvre peu à peu une effroyable vérité que les autorités avaient tenté plus ou moins de cacher, même longtemps après la mort de Franco, en 1975.
De la fin des années 40 jusqu’au début des années 90, plus de 300 000 bébés espagnols auraient été volés ou adoptés ­illégalement. Dans le quotidien « El Mundo », le sociologue Francisco Gonzalez de Tena affirme avoir décelé des cas d’enfants volés jusqu’en 1995… 

Des couvents catholiques orchestraient le trafic



Né au lendemain de la guerre civile espagnole, le « transfert » de bébés avait, à l’origine, des raisons idéologiques. Il s’agissait, selon les mots d’ordre franquistes, de « combattre la propension dégénérative des enfants ayant grandi dans une atmosphère républicaine ». 

Un premier décret (23 novembre 1940) accordait, aux seules personnes « irréprochables du triple point de vue religieux, éthique et national », la tutelle d’enfants dont « l’éducation morale était en danger ».
 Une deuxième loi, datant du 4 décembre 1941, a ensuite permis d’inscrire les enfants des parents fusillés, disparus, exilés, prisonniers, fugitifs ou clandestins au registre civil sous un nouveau nom, pour pouvoir être adoptés plus facilement.
 Dans son livre « Les enfants invisibles de la chambre noire », Francisco Gonzalez de Tena n’hésite pas à dénoncer ces décrets comme ayant « fourni une couverture officielle à une gigantesque opération de vols d’enfants, perpétrée par le régime franquiste ». Ce n’est qu’à partir des années 60 que le trafic de bébés s’est transformé en un pur commerce lucratif. Les victimes : des mères célibataires, des mineures, voire des couples analphabètes, pauvres.


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